Yes Kill

Yes Kill

Le cadavre d’un notable est retrouvé au bord d’un ruisseau de Haute-Loire. L’adjudant-chef de gendarmerie prend l’affaire en main et les spéculations vont bon train parmi les habitants du patelin.

Marco, médiocre détective privé, qui séjourne au camp de pêche de son copain J.C., va mener sa propre enquête. Frustré par la banalité de son quotidien, il voit là une excellente occasion de faire valoir ses qualités d’enquêteur.

Avec l’appui d’une jeune juge et l’aide son vieux pote, il va remuer la boue de ce paisible village, outrepassant les règles de bienséance ordinairement admises.

Entre cours de pêche et repas arrosés, ils vont côtoyer des personnages pittoresques comme La Grande, brave bistrotière accueillante, d’autres minables comme Corbeau et Butagaz.


Année 2014
Editeur Mon Village

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Samedi, jour de foire aux bestiaux : des moutons surtout, spécialité locale et quelques veaux. Les rues étaient bondées de camionnettes à remorques tapissées de paille. Il se gara devant le café de La Grande où les clients habituels de la foire n’étaient pas encore arrivés. Ils venaient un peu plus tard pour un solide casse-croûte à base de saucisson, jambon, arrosé de pinard.

La tenancière trônait derrière son bar, telle une reine déchue à qui il manquait une dent en plein milieu de la bouche. Maquillage à la truelle, on n’avait jamais vu la couleur réelle de son visage. Elle arborait des faux cils de quatre centimètres. Cette femme était une légende de quarante piges, pute à ses heures selon certains, brave bistrotière accueillante selon d’autres. Peu importe, elle était grande – c’est bien logique – souriante et n’hésitait pas à montrer le haut de ses deux gros seins qu’elle savait faire pigeonner. Elle arborait une abondante quincaillerie, collier de perles grosses comme des noix, boucles d’oreille à pendeloques et bagouzes à cabochon. Son compagnon actuel était un animal, espèce de chien, croisement d’un caniche et d’un tout petit scooter Vespa. Elle l’avait nommé Julio en hommage à son chanteur espagnol préféré. Elle prononçait Julio avec un gros J sauguain.

Elle accueillit Marco chaleureusement – il était un bon client et avait picolé ferme chez elle –, lui claqua la bise en se penchant suffisamment au-dessus du bar pour qu’il refasse connaissance avec ses principaux avantages. Il y porta un regard appuyé en signe de gratitude, donna une légère tape sur la tête de Julio, couché comme à son habitude sur le bar et commanda un café et une tartine beurrée. Les tartines de La Grande étaient à l’échelle de ses seins : énormes et capiteux qui auraient pu nourrir une tripotée de mômes et même d’adultes. Assis à une table près de la baie vitrée, il regardait passer les paysans venus vendre leurs bêtes à la foire. Cette observation le conforta dans son jugement, décidément ils ont des gueules, de vraies gueules qui ont du sens. Visages marqués par une vie de travail au grand air, à la fois au chaud soleil d’été et aux rigoureux hivers neigeux où l’on dit, dans la région, que les fermes isolées ne pouvaient êtres ravitaillées que par les corbeaux. Plantés au coin des rues, tels des monolithes vêtus de noir, ils complotent à voix basse, les yeux baissés.